/ Textes / Poésie / Le soupir du pénitent

Le soupir du pénitent

Une voix s’éleva des profondeurs du puits,
Entrée secrète de l’infernale cité,
S’extirpant d’une onde maculée qui depuis,
Scellait les portes de l’apocryphe Dité...

« En n’exploitant pas son penchant pour la luxure,
tu as failli à ta tâche avec la femelle,
tu seras donc punie abjecte créature ! »
se prononça l’oriental et rusé Baël...

« Ne t’éloigne pas, viens écouter la sentence,
Entendre le verdict qui te coûtera cher,
Car, pauvre fou, tu devras faire pénitence,
En souillant l’une des plus vertueuses chairs. »

« Celle d’une pure et chaste enfant de Marie,
Dont le visage, reflet de son innocence,
Succombera à ta maligne plaidoirie,
Ô suppôt instigateur de la décadence… »

La porte des Enfers se referma sur lui,
Ainsi que le couperet de la guillotine,
Sectionne la triste figure d’icelui,
Se repaissant de sombres amours clandestines...

Ainsi banni du royaume de Lucifer,
Le démon se trouva à la merci de Dieu,
Cette si remarquable entité du non-faire,
Qui maintenant le regardait du haut des cieux.

Alors le Djinn se mit en quête de la vierge,
La cherchant dans les plus primitives cultures,
Jusqu'en les églises et leurs forêts de cierges,
Jusqu’en les cimetières aux fraîches sépultures...

Un jour cependant, à la lisière d’un bois,
Une odeur pénétra ses narines humides,
Et se figeant comme un animal aux abois,
Il flaira la tendre chair de son groin avide.

La cause de son calvaire était toute proche,
Au bout de ce sentier, par-delà cette piste,
Tapie dans un bosquet, blottie sous une roche,
Elle attendait la venue de cet ange triste.

A la sortie de l’inaccessible forêt,
Il découvrit un insolite monastère,
Dont l’apparence rappelait un minaret,
Par sa flèche ressemblant à un cimeterre…

Il s’envola dans un léger bruissement d’ailes,
Quittant le sol pour le donjon de sa promise,
Car il la savait en l’aérienne chapelle,
Idolâtrant le dieu dont elle était éprise…

Il se posa dans l’encoignure de l’ajour,
Emplissant l’atmosphère d’une odeur de soufre,
Et contempla enfin la nonne aux gestes gourds,
Qui priait avec foi pour les âmes qui souffrent…

Sa stupeur fut grande lorsqu’elle l’aperçu…
Brandissant dans ses mains un fantastique vits,
Les ailes déployées malgré son corps bossu,
Le démon la toisait d’un sourire ravi…

La nonne recula et prononça ceci :
« Pourquoi donc es-tu là, serviteur des brasiers ?
Parle mauvais génie, que viens-tu faire ici,
Dans la maison du Christ qui t’as jadis renié ? »

« Je suis venu pour t’apprendre l’Amour,
La source des plaisirs qui est née dans la forge,
Te montrer son pouvoir et te faire la cour,
Car il brûle tes tempes et dessèche ta gorge… »

« J’aspire à t’enivrer de parfums capiteux,
Déposer un glacis sur ton visage pâle,
Déguiser ma laideur et mon être piteux,
Pour Toi je changerais l’obsidienne en opale… »

« Pauvre petit diable qui me parle du ciel,
Me crois-tu malléable et naïve à ce point ?
Alors que ton souffle, relent pestilentiel,
Dépeint la nature de tes fourbes desseins… »

« Je refuse l’aven du pêché par l’envie,
Dieu sait que j’ai choisi de lui rendre mon âme,
Car c’est la destiné des nonnes asservies ;
Jamais tu n’obtiendras mon jeune corps de femme !!! »

« Tu préfères mourir plutôt que me céder,
Et attends sans délai que la mort te délivre,
Mais comment peux-tu croire encore à cette idée,
Alors que Jésus-Christ ne t’a appris qu’à vivre ? »

Nonobstant son discours, l’enfant était troublée,
De sa chair torturée, avide de jeunesse,
S’exhalait un désir jusqu’alors muselé,
Dont le djinn s’empara à force de caresses...

L’angelot ailé, personnage volubile,
L’arracha à sa dévote réalité,
Par un tourbillon de prévenances subtiles,
Qui consomma sa chrétienne fécondité.

Le démon lui offrit une étreinte sublime,
Enfantant la jouissance en son sexe trempé,
Si bien qu’elle embrassa le vertige des cimes,
Son serment oublié sous des faveurs drapées.

Sans savoir désormais qu’elle était son esclave,
La nonne se donnait de toute sa ferveur,
Baisant cette bouche recouverte de bave,
Et cherchant de l’espoir dans les yeux du vainqueur.

Hélas ce fut l’échec pour le diable bossu,
Les perles de sueur devinrent des sanglots,
Et les tristes langueurs de l’amante déçue,
Irritèrent le fou aux fantasques grelots.

Se dégageant alors du corps de sa souffrance,
Il lâcha un soupir qui monta dans les nues,
Et parvint au Seigneur qui riait à outrance,
De son impéritie à le faire cornu...

Jérôme Ancey
1 2 3
Ce site utilise des cookies simplement pour réaliser des statistiques de visites. En savoir plus
Accepter
Refuser