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L'apparition

Le jardin du couvent était calme et désert,
A peine une gloire transperçait les feuillages,
Dévoilant par mégarde une statue de pierre,
Qui veillait les allées à l’abri des ombrages.

Elle était apparue sous les vieilles arcades,
Marchant très lentement, d’un pas des plus altiers,
De ce pas que l’on prend lors des grandes parades,
Puis avait disparu au détour d’un pilier.

Devant l’apparition il s’était pétrifié,
Convaincu tout d’abord d’avoir rêvé ce songe,
Mais bien vite il comprit et pieds et poings liés,
Qu’il est des vérités qui restent des mensonges.

Leurs yeux s’étaient croisés l’espace d’un instant,
Et avaient reconnu ce visage oublié,
Cet amour avorté qui depuis si longtemps,
Dormait dans son esprit comme en un sablier.

Il se remémorait l’insouciante jeunesse,
Avec cette fille qu’il avait tant aimé,
Ce joli temps passé où serments et promesses,
S’emmêlent dans l’espoir de survivre aux années.

Mais ses espérances du Salut par l’Union,
L’avaient plongée bientôt dans de profonds tourments,
Car le voleur de cœur, exempt de communion,
N’avait su faire cas de ses beaux sentiments.

Bien qu’encor amoureux, il tira les persiennes,
Et fit tout ce qu’il put pour sortir de sa vie,
Jusqu’à lui défendre de rentrer dans la sienne,
Car il en dépendait de sa propre survie.

Il l’avait enterrée dans un coin de sa tête,
Bien consciencieusement, de toute sa raison,
Sans se soucier alors des pouvoirs du dieu Seth,
Qui aime à rappeler le goût des trahisons.

Il voulut connaître de nouvelles amours,
Mais elle s’amusait à dérober leurs traits,
Proposant son visage en changeant les atours,
Comme un masque greffé sur un autre portrait.

Ce n’était certes pas son imagination,
Qui quotidiennement le plongeait dans le doute,
Mais l’empreinte d’un temps où le joug des passions,
Le tenait écrasé sous le poids de sa voûte.

Il fut donc investi d’une folie sans borne,
Il la voyait le jour, il la voyait la nuit,
Et son cœur battait fort au fond de ses yeux mornes,
Ses pupilles voyant le spectre de l’Ennui.

Il était à présent dans un demi sommeil,
Et sa Vie n’était plus qu’une vague rumeur,
Dont des échos parfois pénétraient ses oreilles,
Sans parvenir hélas à vaincre sa torpeur.

Envoi

Le succube était faux comme vous le pensiez,
Mais son étrange mal était lui bien réel.
Alors dis-moi lecteur, toi qui es rassasié,
N’as-tu jamais rêvé de voir la demoiselle ?

Jérôme Ancey
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